Un violent incendie criminel ravage la luxueuse résidence de Conrad Murdoch et de son épouse Irina. Lui: un avocat ayant embrassé de nombreuses causes humanitaires, dont celle des droits des immigrants et des personnes en situation précaire ou illégale. Elle: une épouse modèle très impliquée dans activités de charité et de bienfaisance. Qui a donc bien pu attenter à la vie de ce couple bourgeois de Westmount, dont les cadavres portent des marques de torture? Tandis que la police ouvre l'enquête, Sara (déjà rencontrée dans ##Les trois lames##) fait la rencontre d'Emilia, une orpheline roumaine de 15 ans, frêle et rongée par la peur, qui craint que ses poursuivants ne la brûlent. Que fait-elle, engoncée dans un costume d'homme, sur les berges du canal Lachine? Et pourquoi prend-elle la fuite en entendant l'accent romain de Liviu, le copain de Sara? Y aurait-il un lien entre les deux affaires? [SDM] [SDM].

Un polar sombre, mais captivant au fil duquel les multiples ramifications de l'intrigue convergent lentement en mettant en lumière l'esclavage moderne ayant cours dans des pays occidentaux qui deviennent trop souvent l'enfer d'immigrants qui y voyaient leur terre promise. La narration polyphonique sert admirablement le suspense en donnant à suivre le déroulement de l'enquête policière via des fac-similés d'articles de journaux, et ce, tout en permettant de partager les pensées des différents protagonistes à la psychologie bien étayée. Protagonistes souvent jeunes et désillusionnés, à commencer par Sara, adolescente de Saint-Henri qui dénonce les rêves de bourgeoisie de sa mère qui reste "évachée à longueur de journée sur le canapé" (p. 12), et de Liviu, son ami roumain dont la mère ravale chaque jour sa fierté pour aller faire le ménage chez des dames de Westmount qui la méprisent. Ceci sans oublier Emilia, l'orpheline roumaine qui a non seulement été séquestrée, battue et abusée sexuellement par le couple Murdoch, mais dont Conrad a également fait un instrument de la vengeance dirigée contre l'épouse qui le faisait chanter. Stefan Murdoch, le fils humaniste du couple, permet quant à lui à l'auteur d'éviter un manichéisme trop appuyé en se faisant le fervent détracteur de ces bourgeois et associations soi-disant caritatives "qui affectent d'aider le tiers-monde pour mieux le déposséder" (p. 167). Un roman très dur, mais nécessaire et socialement engagé, qui lève le voile sur les inégalités sociales et la traite d'êtres humains (particulièrement sur celle d'immigrants en proie à des réseaux qui les dépouillent de leurs papiers à leur arrivée au pays). [SDM] [SDM].