À l’heure où l’économique prime le politique, où le Fonds monétaire international, les banques centrales, les récemment vertueuses agences de notation et les marchés boursiers semblent être les seules voix autorisées dans la mondialisation contemporaine, l’essai de Christoph Eberhard sur Une approche bouddhiste d’un vivre-ensemble responsable et solidaire est plus que bienvenu. Par-delà le diktat de l’économie, il nous reconduit à la complexité de la vie, des rapports de chacun à soi-même, au monde et à autrui. Toujours situés, ces rapports sont des points d’ancrage indéracinables. Mais, pour autant, ils n’ont rien d’un atavisme. Au contraire, leur particularité nous rend sensibles à la diversité des êtres et des cultures offrant autant de chances d’interroger nos limites et d’élargir nos horizons.

Ces chances, Christoph Eberhard ne se contente pas de les saisir spéculativement. Il ne se limite pas à rappeler qu’on ne peut penser le même sans l’autre, le particulier sans un universel présumé et les limites sans leur dépassement. Dans ses ouvrages d’anthropologie juridique, c’est à la mise en pratique de ces truismes qu’il nous convie. Loin de disserter doctement sur l’inéluctabilité éthique de l’interculturalité et sur ses apports épistémiques, il nous invite depuis deux décennies à nous y atteler autour de sujets aussi brûlants que les droits de l’homme, la reconstruction des sociétés ayant vécu des guerres civiles, voire des génocides, les cultures de paix et l’avènement d’une gouvernance mondiale attentive à leur pluralité ainsi qu’aux préalables métapolitiques ou anthropologiques de la pratique qu’elles mobilisent : le dialogue.

Anne-Marie Dillens
Professeur émérite aux Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles.