La famille de Théodore-Jean Lamontagne a eu une correspondance soutenue de 1852 à 1925. Neuf des quinze enfants de cet homme d'affaires gaspésien se sont volontairement expatriés aux États-Unis et dans l'Ouest canadien sans jamais briser le lien qui les unissait. Leur échange de lettres rend compte de cette expérience migratoire. Le livre de Mario Mimeault dégage les caractères de la mobilité qui les a emportés au loin. Comme objet, la lettre est la mémoire consignée. Elle est message par sa matière et sa présentation, rendant compte de la condition sociale de ses auteurs et des contraintes que leur terre d'adoption leur a imposées. Elle est lieu du discours quand, compensant l'absence de l'autre, le migrant y traduit ses besoins et assimile son vécu. Instrument, elle devient substitut familial, support psychologique et source de délivrance. La lettre est aussi porteuse de modèles de réussite ou d'échecs. L'auteur y décode les horizons d'attente des membres de la fratrie et démonte les mécanismes décisionnels qui ont présidé à leur départ. Leur contact régulier avec l'extérieur ayant élargi leurs horizons, la lettre, miroir d'une époque, renvoie l'empreinte que les grands événements du temps ont laissée sur la destinée du groupe.